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    Boris Akounine, La ville noire, Presses de la citéEraste Petrovitch Fandorine est en mission à Bakou à la poursuite d'un terroriste qui menace le tsar. Nous sommes en 1914, juste au moment de l'attentat de Sarajevo et nombreux sont les révolutionnaires de toutes tendance qui veulent faire tomber la monarchie.

     

    Pauvre Eraste Petrovitch ! Boris Akounine s'est plu à le placer dans des situations particulièrement déconcertantes et notre héros court de fausse piste en fausse piste pour arriver à un dénouement qui, ma foi, pourrait bien annoncer la fin de la série.

     

    Quant à moi j'ai plaisir comme toujours à retrouver ce personnage de dandy japonisant et son fidèle Massa (lui aussi en bien mauvaise posture). Sous des dehors détachés de tout c'est un coeur d'artichaut qui craque cette fois pour une jeune veuve bakinoise qui n'a pas froid aux yeux. Il y a aussi une intéressante description de la vile de Bakou et de l'industrie du pétrole à cette époque qui me fait penser à ce que j'avais lu dans L'orientaliste.


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    Philip Kerr, Prague fatale, Le livre de pocheEn septembre 1941 Bernie Gunther revient du front de l'est, pas mal démoralisé par ce qu'il a vu là-bas et à quoi il a prêté la main. A Berlin il est affecté sur une enquête sur la mort d'un travailleur-invité néerlandais, poignardé puis fauché par un train. Mais peu après il est convoqué à Prague par Heydrich qui lui demande de veiller sur sa sécurité : des terroristes tchèques préparent un attentat. Le lendemain de l'arrivée de notre héros un des assistants du Reichsprotektor est assassiné dans une chambre fermée à clef de l'intérieur.

     

    J'avais lu, il y a un certain temps déjà, La trilogie berlinoise et n'avais pas trop apprécié. Me trouvant loin de chez moi sans lecture je me replie sur Prague fatale qui est disponible et qui m'amène à revoir mon jugement sur les aventures de Bernie Gunther. Peut-être que j'en lirai d'autres.

     

    Ici je trouve que l'enquête est bien ficelée avec un dénouement retors et convainquant. Le cadre historique est celui d'une armée allemande qui, dans sa marche vers l'est, est suivie par les einsatzgruppen qui massacrent les civils, principalement les Juifs. L'auteur nous montre que certains soldats sont choqués par ce qu'on leur demande de faire -mais qu'ils font quand même. Pour ceux-là le nazisme n'est plus aussi sympathique qu'il le paraissait au début.


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    Leslie Plée, Eloge de la névrose en 10 syndromes, Delcourt

    Cette sympathique bande dessinée m'a été mise entre les mains par ma fille elle-même névrosée. Avec humour et auto-dérision Leslie Plée décrit les conséquences sur sa vie quotidienne de sa névrose et de ses angoisses mais pas que : il y a aussi des considérations sur le sexisme ambiant et un récit de voyage à Stockholm qui m'a donné envie d'y aller.

     

    Malgré le sujet -qui en plus me touche personnellement- j'ai trouvé cette lecture optimiste et positive car l'auteure montre comment, avec le temps, elle arrive petit à petit à s'accepter comme elle est et à prendre les choses avec plus de légèreté.

     

    J'apprécie aussi le dessin à l'aquarelle.

     

    Leslie Plée, Eloge de la névrose en 10 syndromes, Delcourt

     

    La dernière n'est pas dans l'album mais tirée du tumblr de l'auteure. Elle me correspond parfaitement, je dois dire.

    Leslie Plée, Eloge de la névrose en 10 syndromes, Delcourt


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  • Philippe Breton, Une brève histoire de la violence, JC BéharCe petit livre de 100 pages, lu en un dimanche, présente de façon claire et fort intéressante l'histoire de différentes formes de violence du néolithique à nos jours : anthropophagie, esclavage, viol, génocide et autres massacres. L'auteur montre comment ces violences, autrefois admises, sont de moins en moins tolérées de nos jours -en tout cas dans les pays développés :

    "Les Japonais se défendront toujours, jusqu'à aujourd'hui, d'avoir commis à Nankin les crimes dont pourtant l'humanité a été témoin. C'est la preuve que la conscience universelle est passée par là et que la norme sociale s'est inversée dans la plupart des pays du monde. De violence, certes terrible, mais considérée comme normale et légitime, la mise à sac est devenue une pratique intolérable, objet criminel relevant des tribunaux internationaux."

     

    Au point que : "notre goût d'une société "douce à vivre" est devenu si exigeant que la brutalité des moeurs que nous y subissons encore nous apparaît insupportable, générant même le mythe d'une société hier conviviale et aujourd'hui "de plus en plus violente".

    Ainsi la France compte aujourd'hui 1 homicide pour 100 000 habitants. Ce taux était de 100 pour 100 000 au 13° siècle.

    L'auteur fait cependant remarquer que, parmi les violences quotidiennes, le viol est celle qui recule le plus lentement.

     

    Autre information que je retiens : dans la plupart des cas et contrairement à ce que l'on croit souvent, la violence n'est pas sauvage mais régie par les relations sociales. Le plus souvent on se tue entre personnes de connaissance.

     

    Au total le bilan est plutôt positif, il me semble, même si l'auteur conclut que "en matière de recul dela violence, rien n'est jamais vraiment gagné".

     

    L'ouvrage est complété par un site.


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    Anne-Claire Decorvet, Un lieu sans raison, Bernard Campiche éditeurMarguerite est folle, internée depuis l'âge de 40 ans, en 1931, à l'asile de Saint Alban sur Limagnole en Lozère. A Saint Alban pas d'eau courante, pas d'égouts, pas de chauffage en hiver et, dans le pavillon des agitées où Marguerite est enfermée, des dortoirs de femmes en uniformes gris qui se tapent dessus lors de leurs crises. On mange mal et l'occupation aggrave la situation, de nombreux malades meurent de faim.

     

     

     

    La Libération va être aussi celle des malades. Avec l'arrivée de médecins qui ont connu les camps de concentration les portes s'ouvrent et les murs qui enfermaient disparaissent. Il y a encore des pénuries mais c'est une période d'intense réflexion en ce qui concerne la psychiatrie. A Saint Alban on met les malades à l'art. Marguerite brode. Des tableaux de couleur -comme celui qui est reproduit en couverture du roman- et puis la robe de mariée, en dentelle faite du fil des draps usés de l'hôpital.

     

     

     

    Jean Dubuffet, en visite à Saint Alban, est enthousiasmé par l'art des fous et crée la notion d'art brut. Il acquiert des tableaux de Marguerite. Cinq ans après la mort de cette dernière il obtient des religieuses qui s'occupent de l'asile qu'elles lui cèdent la robe de mariée. Depuis la création du musée de l'art brut à Lausanne elle y est exposée de façon permanente.

     

     

    Anne-Claire Decorvet, Un lieu sans raison, Bernard Campiche éditeur

     La robe de mariée

    Marguerite Sirvins (1890-1957) était la soeur de la grand-mère maternelle de mon mari. Dans la famille son existence était passée sous silence. Pendant la guerre ma belle-mère, séjournant chez ses grands-parents (les parents de Marguerite) les voyait préparer des colis "pour une dame". Ce n'est que lorsque Anne-Claire Decorvet a commencé à enquêter pour son roman que nous avons découvert que Marguerite était une artiste de l'art brut, exposée à Lausanne sous le pseudonyme de Marguerite Sir -pour préserver le secret des familles on ne mentionne que les trois lettres initiales du nom des artistes fous. Au passage le secret de la famille Sirvins a tellement bien été protégé que personne n'a songé à les informer qu'on disposait de l'oeuvre de leur parente.

     

     

     

    Mais à part l'intérêt personnel ce roman, il vaut le coup ?

     

    Anne-Claire Decorvet varie les points de vue. Elle raconte alternativement depuis la place de divers protagonistes, notamment Marguerite. Et là je trouve que c'est tout à fait réussi parce que cela donne l'impression de se retrouver dans la tête de Marguerite, de façon convaincante et parfois un peu inquiétante, je dois le dire. Vu les titres de ses précédents ouvrages (En habit de folie et L'instant limite) il semble que l'auteur avait déjà réfléchi à la question de la folie.

     

    J'ai apprécié aussi de découvrir l'histoire et le fonctionnement de l'asile de Saint Alban, avant, pendant et après la seconde guerre mondiale. Pour toutes ces raisons, ce roman m'a touchée.

     


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    Fern Green, La bible des protéines vertes, MaraboutJe n'ai pas encore dit ici que, quand je ne lis pas, je passe aussi beaucoup de temps à la cuisine. J'aime cuisiner et à la maison je mange essentiellement des plats préparés à la maison. Depuis que je suis passée à une alimentation végétarienne j'ai découvert plein de nouveaux produits dont je ne soupçonnais pas l'existence ou dont je n'avais que vaguement entendu parler (tofu, seitan...) et qui m'ont ouvert de nouveaux horizons culinaires enthousiasmants (si, si).

     

     

    J'y pense depuis un moment et je me décide enfin à vous présenter quelques uns de mes livres de cuisine préférés -parce qu'en fait, même dans la cuisine il y a des livres. Je commence aujourd'hui avec le dernier acheté, cet été, et dont je n'ai pas encore épuisé tous les plaisirs. Une seule faute de goût : une recette avec du poisson. A part ça tout est végétarien et souvent même végétalien.

     

    Après quelques pages de présentation des diverses protéines vertes on attaque avec les recettes, en-cas et entrées, soupes et salades, plats, desserts, chacune présentée sur une double page avec à gauche, une photo des ingrédients de la recette et à droite, une photo du plat cuisiné. J'aime qu'il y ait des photos dans un livre de recettes et là je suis gâtée.

     

    Fern Green, La bible des protéines vertes, Marabout

     

    Vous voulez tester ? Je vous propose la soupe Cococorail :

    Ingrédients : 150 g de pois cassés jaunes (je n'en ai pas trouvé, j'ai pris des verts)

    150 g de lentilles corail

    1 carotte coupée en petits morceaux

    2 cuillères à soupe de gingembre râpé

    2 cuillères à soupe de garam massala (je n'en ai pas trouvé, j'ai mis du curry en poudre)

    1 cuillère à café de cumin en poudre

    1 cuillère à soupe d'huile d'olive

    5 oignons de printemps finement émincés (c'est plus la saison, j'ai utilisé un oignon sec)

    3 cuillères à soupe de concentré de tomates

    400 g de lait de coco en conserve

    50 g de raisins secs

    sel et poivre

     

    Recette : Mettez les pois cassés, les lentilles et 1,2 litres d'eau dans une grande casserole. Portez à ébullition et laissez frémir puis ajoutez la carotte et la moitié du gingembre. Couvrez et laissez cuire pendant 30 mn. Faites frire le garam massala et le cumin dans l'huile pendant 1 mn. Ajoutez les oignons, le reste de gingembre et le concentré de tomates et continuez la cuisson pendant 2 mn. Incorporez cette préparation aux pois cassés et aux lentilles. Ajoutez le lait de coco et les raisins secs et laissez frémir pendant 20 mn. Salez et poivrez.

     

    Le résultat est une recette parfumée et odorante, idéale pour les premiers jours de froid et qui représente bien cet ouvrage qui donne une bonne place aux épices (ça aussi, j'aime).

     


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    Robert Harris, D., PocketL'affaire Dreyfus revisitée.

    D. c'est l'affaire Dreyfus vue par Picquart. Georges Picquart fut en son temps le plus jeune colonel de l'armée française. Au lendemain de la dégradation (1895) et de la déportation de Dreyfus à l'île du Diable, il est nommé à la tête de la section de statistique, en fait les services de contre-espionnage. Comme le haut commandement de l'armée craint que "les Juifs" ne lancent une contre-offensive pour faire libérer Dreyfus, Picquart est chargé de trouver de nouvelles preuves contre le traitre. Convaincu, au départ, de la culpabilité de Dreyfus Picquart va découvrir qu'il est innocent, que le vrai traitre est un dénommé Esterhazy et -ce qui le choque par dessus tout- que le haut commandement militaire connaissait avant le procès en cours martiale l'innocence de Dreyfus. Car Picquart est un homme d'honneur et une fois connue la vérité il ne peut plus la taire même si tout va être tenté pour l'empêcher de parler.

     

     

    Je connaissais déjà grosso-modo le déroulement de l'affaire Dreyfus et ses circonstances mais avec D. Robert Harris la rend particulièrement vivante et me fait prendre conscience de ses aspects les plus scandaleux. Il s'agit d'abord des conditions indignes de détention de Dreyfus à l'île du Diable, à qui personne n'adressa la parole pendant plus de quatre ans. Ca me donne l'impression que les responsables veulent se venger de leurs erreurs sur ce malheureux.

    Il s'agit ensuite des manifestations violentes d'antisémitisme qui ont agité la France pendant toute l'affaire.

    Il s'agit enfin, scandale absolu, du comportement des officiers supérieurs de l'armée française qui ont fait condamner sciemment un innocent et qui, pour cacher leur faute, n'ont pas hésité à faire fabriquer de faux documents et à couvrir le coupable, crapule présentée même comme un modèle de patriotisme. J'espère que l'armée d'aujourd'hui n'est plus commandée par le même genre de vieilles badernes imbues de leur personne. Je découvre aussi le poids et l'influence de l'armée en France à cette époque.

     

    Voilà donc un roman qui m'a passionnée et que j'ai eu bien du mal à lâcher une fois prise dans l'action.

    L'avis de Gambadou.


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    W. Wilkie Collins, Passion et repentir, LibrettoEnfant des rues, Mercy a été contrainte de se prostituer encore adolescente. Recueillie dans un foyer pour "pècheresses repenties" elle a tenté de refaire sa vie mais son passé lui colle à la peau et, malgré ses nombreuses qualités, elle ne peut garder un emploi car on lui reproche tôt ou tard ses années de débauche. En 1870 elle se fait recruter comme infirmière dans l'armée française. C'est sur le front qu'elle croise par hasard Grace Roseberry, une compatriote qui retourne à Londres après le décès de son père. Quand Grace est frappée par un éclat d'obus, Mercy est amenée à prendre son identité avec l'espoir de refaire sa vie, enfin débarrassée de son passé. Mais les choses ne vont pas se passer aussi facilement que cela...

     

     

     

    Je me suis régalée à lire cet excellent ouvrage où Wilkie Collins nous dit tout le mal qu'il pense d'une bonne société qui place la naissance avant les qualités de coeur. Nouvelle Marie-Madeleine (c'est le titre original du roman) et qui a su garder une âme pure malgré les turpitudes par lesquelles elle est passée, Mercy n'aurait-elle pas droit à la compassion et même au respect de ceux qui se disent chrétiens ?

     

     

     

    J'apprécie l'ironie de l'auteur quand il décrit un domestique : "Le domestique attendait toujours -non à la manière d'un être humain qui se serait intéressé au déroulement de la scène, mais -ainsi qu'il sied à un laquais parfaitement formé- à la manière d'une pièce de mobilier ingénieusement façonnée pour aller et venir sur commande. Julian donna le signal, en utilisant le nom de "James" pour s'adresser à cet automate si admirablement conçu".

     

     

     

    On nous rappelle en introduction que Wilkie Collins était un féministe cependant : "Il était impossible à Mercy de les regarder, comme elle le faisait à présent, sans faire l'inévitable comparaison entre d'un côté la force et la dignité toutes viriles de Julian, et de l'autre la malveillance et l'irritabilité toutes féminines d'Horace"...

     


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    Françoise Guérin, Les enfants de la dernière pluie, Editions du MasqueAlors qu'il rend visite à son frère hospitalisé en psychiatrie, le commandant Lanester est témoin de deux morts particulièrement violentes et sur lesquelles son équipe va enquêter. On découvre une histoire de médicaments qui produisent de sacrés effets indésirables. L'affaire se déroule autour de cet hôpital psychiatrique, vénérable institution qui a construit sa réputation autour de la figure de Théophobe le Diaoul (= le diable), traumatisé de la première Guerre Mondiale qui fut interné là 100 ans plus tôt et qui fut un poète de l'art brut : "Le quatrième poème est écrit sur un morceau de drap blanc, par ailleurs exposé dans une vitrine protégée des rayons du soleil. La pancarte indique que Théophobe le Diaoul, privé par l'administration asilaire de tout moyen d'écrire, a utilisé, pour tracer ce qui deviendra son plus célèbre poème, Les enfants de la dernière pluie, le sang de ses plaies suppurantes, ces mêmes plaies qui lui valaient le privilège d'avoir des draps, pas encore en vigueur au Quartier des Agités."

     

     

     

    Je retrouve avec plaisir le commandant Lanester, son équipe sympathique et ses proches aimables (épisode un, épisode deux). Au début j'ai crains que tout cela ne soit trop gentil pour un roman policier mais Françoise Guérin sait nous dépeindre des familles pathogènes et des névroses inquiétantes. Parallèlement notre héros continue l'analyse de son passé familial et cette enquête lui permet d'en découvrir de nouveaux éléments.

     

     

     

    L'avis de Keisha.

     


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  • Arturo Pérez-Reverte, Le soleil de Breda, PointsLors de la guerre des Flandres, en 1624-1625, Diego Alatriste et Inigo Balboa participent au siège de Breda. Les combats sont d'une grande violence, alternant des coups de main à l'issue desquels les vaincus sont littéralement taillés en pièces et des périodes de guerre des tranchées : "Les caponnières voisines de la demi-lune du Cimetière serpentaient autour de la galerie principale des Espagnols et de celle des Hollandais, si proche de la nôtre que les soldats des deux camps se trouvaient parfois face à face, après avoir démoli un mur à coups de pioche ou avec un pétard, dans un tourbillon de coups de poignard et de coups de feu tirés à bout portant -sans parler des pelles courtes dont on aiguisait le tranchant avec une pierre pour qu'il coupe aussi bien qu'une lame de couteau."

    Des méthodes de combat qu'on retrouvera près de 300 ans plus tard dans les tranchées de la première Guerre Mondiale.

     

    Bon, les récits de combats ça m'ennuie facilement et ça n'est donc pas l'épisode des aventures d'Alatriste qui m'a le plus plu. Reste le plaisir d'une écriture impeccablement maîtrisée.


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