• Le romancier Milan Kundera est mort le 11 juillet 2023. Il était né en 1929 à Brno, alors en Tchécoslovaquie. Il quitte son pays pour la France en 1975 et prend la nationalité française quelques années plus tard. Par méfiance envers les journalistes, Milan Kundera refusait les interviews. Il estimait qu’une œuvre devait parler d’elle-même, que le roman n’était que roman et que c’était une erreur de l’analyser à l’aune de la biographie de son auteur.

     

     

    La plaisanterie. Ecrit en 1965, ce roman est paru en Tchécoslovaquie en 1967 et en France en 1968. Milan Kundera a découvert plus tard que le traducteur n’avais pas traduit le livre mais l’avait réécrit dans un style « fleuri et baroque » qui n’était pas du tout le sien. Il a donc révisé entièrement la traduction.

    En 1948 Ludvik Jahn est un jeune étudiant d’une vingtaine d’années, membres du Parti Communiste, exerçant un poste important à l’Union des Etudiants. Pour choquer une camarade crédule, il lui adresse une carte postale sur laquelle il a inscrit un message pouvant passer pour trotskiste. Pour cette plaisanterie Ludvik est exclu du Parti, de l’université et envoyé faire son service militaire dans un bataillon disciplinaire. Cinq ans plus tard Ludvik reprend ses études et s’insère dans la société. Cette expérience a néanmoins changé sa façon de voir le monde et lui a donné l’envie de se venger des responsables de sa disgrâce. 15 ans après les faits, au milieu des années 1960, pendant que la Tchécoslovaquie traverse une période de libéralisation, Ludvik se retourne sur son passé alors qu’il entrevoit une occasion de se venger.

     

     

    J’ai apprécié l’analyse psychologique et le regard lucide que ses déboires ont mené Ludvik à porter sur ses propres motivations et celles des autres (en tout cas celles des personnages masculins, j’y reviendrai). J’ai apprécié la belle écriture. Ludvik joue, dans sa jeunesse, de la clarinette dans un orchestre traditionnel morave et l’auteur (lui-même musicien) nous donne plusieurs développements sur ce folklore et sur la façon dont le régime communiste a tenté de le récupérer. Ce n’est pas inintéressant mais ces digressions m’ont longtemps fait me demander où Milan Kundera voulait en venir. En fait exactement à ce qui est écrit en quatrième de couverture de mon édition : à une conclusion pas vraiment optimiste.

     

     

    « Il peut être déroutant de les [ses romans] relire aujourd’hui avec leurs personnages féminins souvent ridiculisés, sinon méprisés ». Libération.

    C’est exactement ce que j’ai ressenti : j’ai été déroutée par la façon dont sont traités les personnages féminins. Ludvik est un misogyne qui plaque ses représentations sur les femmes qu’il fréquente et échoue à les connaître vraiment. A deux reprises il tente de violer une jeune fille dont il se dit épris et qui se refuse à lui malgré ses déclarations d’amour. Pour lui, après 25 ans, les femmes ne sont plus désirables : il est question d’une femme de 35 ans dont la beauté et les formes sont présentées comme flétries. Ludvik doit se faire violence pour coucher avec elle (lui-même a 37 ans). Plus problématique : le personnage n’est pas le seul à traiter les femmes avec violence, à la fin l’auteur ridiculise Helena en la plaçant dans une situation fort humiliante.

     

     

    Je suis de plus en plus sensible à la misogynie ou au sexisme dans les romans que je lis et je dois dire que les supporte de moins en moins. Pour moi ce sont des défauts capables d’occulter les qualités que peut avoir par ailleurs un ouvrage. Par différents aspects la lecture de ce roman m’a rappelé ce que j’avais ressenti en lisant Trésor d’amour. Kundera me paraît cependant bien moins imbu de lui-même que Sollers.

     

    L'avis d'Ingannmic, celui de Patrice.


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  • Jonathan Coe, Le royaume désuni, Ecoutez lireBournville (titre original du livre) est une petite ville proche de Birmingham, fondée au 19° siècle par la famille Cadbury (des quakers) pour y loger leurs ouvriers. C’est là qu’a grandit Mary Clarke, le personnage central du roman parmi de nombreux autres. Nous faisons sa connaissance en 1945 -elle a 9 ans- à l’occasion des fêtes de la victoire sur le nazisme. Nous la retrouvons en 1953 pour le couronnement de la reine Elisabeth. Mary est alors fiancée à Geoffrey Lamb, fils d’un collègue de son père chez Cadbury. Tout du long du roman l’histoire de la famille Lamb croise ainsi celle de la Grande-Bretagne -et celle du chocolat Cadbury- lors de quelques événements représentatifs choisis par l’auteur, jusqu’au confinement de 2020 quand Mary, vieille femme de 85 ans, se retrouve enfermée chez elle sans avoir le droit de rencontrer personne.

    Jonathan Coe, Le royaume désuni, Ecoutez lire

    J’ai trouvé intéressant ce que j’ai appris sur l’histoire de la Grande-Bretagne et de la maison Cadbury. Jonathan Coe s’est documenté sur la façon dont les différents événements qu’il a choisis ont été retransmis à la radio ou à la télé et présente tout cela de façon vivante et amusante. Les histoires des nombreux personnages de la famille de Mary (parents, beaux-parents, mari, sœur, enfants, petits-enfants…) sont plaisantes. C’est sympathique mais pas très profond, idéal pour une série de trajets en voiture sur les routes des vacances, très bien lu par Rachel Arditi qui modifie sa voix pour incarner les divers personnages.
    Il me semble que le titre original collait plus justement à ce qui est raconté ici que sa « traduction » française.

     

    L'avis de Luocine.


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  • Cormac McCarthy, La route, PointsL’écrivain étatsunien Cormac McCarthy est mort le 13 juin 2023. Ce géant des lettres américaines était né en 1933. C’était un homme discret qui refusait de s’afficher dans les médias et déclina systématiquement les propositions de collaboration des universités. De ce fait il vécut longtemps dans la pauvreté. En plus d’une dizaine de romans il a écrit des scénarios de films et de séries.

     

     

    Cormac McCarthy, La route, PointsLa route est un roman culte traduit dans 48 langues et vendu à quatre millions d’exemplaires aux Etats-Unis.

    « Il sortit dans la lumière grise et s’arrêta et il vit l’espace d’un bref instant l’absolue vérité du monde. Le froid tournoyant sans répit autour de la terre intestat. L’implacable obscurité. Les chiens aveugles du soleil dans leur course. L’accablant vide noir de l’univers. Et quelque part deux animaux traqués tremblant comme des renards dans leur refuge. Du temps en sursis et un monde en sursis et des yeux en sursis pour le pleurer. »

    Après l’apocalypse. Tout a brûlé. La terre est recouverte de cendres qui flottent aussi dans l’atmosphère et voilent le soleil. Il fait très froid. Il neige. Ou il pleut. Poussant un caddie de supermarché chargé de leurs affaires et de conserves de nourriture, un père et son fils se dirigent vers les côtes du sud où ils espèrent trouver des températures plus clémentes. Il leur faut être sans cesse sur leurs gardes pour éviter les hordes de barbares qui se nourrissent de chair humaine.

     

     

    Ce roman post-apocalyptiques est écrit dans un style terriblement efficace qui colle particulièrement au sujet : économie de moyens, dialogues secs, écriture en apparence plate, énumération de petits gestes qui font ressentir le côté répétitif de cette survie morne : « Il détacha la bâche et l’écarta et fouilla parmi les boîtes de conserve et trouva une boîte de salade de fruits et sortit l’ouvre-boîte de sa poche et ouvrit la boîte et plia le couvercle et s’approcha et s’accroupit et tendit la boîte au petit ».

    Comme dans l’exemple ci-dessus les personnages ne sont jamais nommés, comme si la dépossession dont ils sont victimes s’étendait jusqu’à une part de leur identité. On ne saura pas non plus ce qui a mené l’humanité à sa fin. Quelques allusions sont faites à la période de l’effondrement, au début de laquelle il semble que le petit soit né. Cet enfant, dernière raison de vivre qui reste au père, est l’objet de tout son amour.

     

     

    La narration est en focalisation externe mais centrée sur le père. L’analyse psychologique est menée de façon convaincante avec l’effacement des souvenirs d’avant ou au contraire leur retour en force lors des moments de découragement. Je me suis longtemps demandée comment cette quête désespérée allait se terminer et j’ai trouvé la fin plutôt réussie, en tout cas très émouvante, à l’image d’un roman qui ne m’a pas laissée insensible.

     

    Les avis, plus mitigés, d'Ingannmic et Luocine.


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  • Arlington Park est une banlieue résidentielle de Londres habitée par des classes moyennes supérieures. Les femmes qui vivent là sont mères au foyer ou travaillent à temps partiel pour pouvoir s’occuper de leurs enfants et de leur intérieur. Juliet, Amanda, Maisie, et Christine sont, à des degrés divers, insatisfaites de leur vie. Formatées depuis leur enfance, elles ont obéit aux injonctions de la société, fait des enfants, aménagé une belle cuisine, invité leurs voisins à dîner, pour s’apercevoir que tout cela ne suffisait pas à donner un sens à leur vie.

     

     

    Voici un roman où il ne se passe quasiment rien -passez votre chemin si vous recherchez de l’action- mais néanmoins très bien mené par Rachel Cusk qui fait une critique féroce de la société de consommation patriarcale. Elle décortique avec précision la façon dont ces femmes se sont retrouvées engluées dans un quotidien morne qui génère chez elles ressentiment et névrose : « Juliet se rappelait que, quand sa mère était plus jeune, c’était quelqu’un de plutôt exubérant, passionné, brouillon et libre. Maintenant c’était une femme venimeuse qui entretenait une maison pleine d’ornements impeccables, de presse-papiers en verre miroitant et de petites boîtes en ivoire qui lui procuraient un plaisir étrange et voluptueux, presque insensé ».

    Elle montre comment, quand on a « tout pour être heureuse » (enfants, mari qui ramène un bon salaire, belle maison) il est difficile de revenir en arrière. La peur du déclassement guette. Cependant, si on est chez des gens qui n’ont guère de soucis financiers, il me semble que cette analyse de l’aliénation féminine peut valoir pour toutes les classes sociales.

     

     

    J’ai apprécié la lecture de ce roman intelligent qui donne à réfléchir.

     


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  • En lisant la rubrique nécrologique de Martin Amis, j'ai appris que Elizabeth Jane Howard était sa belle-mère (la femme de son père). D'après Le Monde c'est elle qui l'a initié à la littérature. Ca m'a rappelé que j'avais prévu de lire La saga des Cazalet.
    En 1937-1938, la famille Cazalet, de riches négociants en bois, trois générations, 17 personnes, passe les étés dans la grande propriété familiale du Kent. Kitty Cazalet, la femme du "Patriarche", surnommée la Duche par ses enfants, organise l'hébergement de tout le monde, secondée par sa fille Rachel, célibataire, et bien sûr par plusieurs domestiques, venus de Londres ou recrutés sur place. Outre Rachel on attend l'arrivée des trois fils Cazalet avec femmes et enfants. L'aîné, Hugh, est un invalide de guerre. Avec sa femme Sybil ils forment un charmant couple amoureux, chacun essayant d'imaginer ce qui pourrait faire plaisir à l'autre : "Il alla écarter les rideaux. Le matin il était réveillé par le jour, mais il savait, ou croyait savoir, qu'elle les préférait ouverts.

    "- Tu n'es pas obligé de les ouvrir. Ca m'est vraiment égal.

    - J'aime qu'ils soient ouverts, mentit-il. Tu le sais.

    - Bien sûr." Elle renonçait de bon coeur à les garder fermés, car elle savait qu'il aimait respirer. D'accord, le jour la réveillait, mais c'était un faible prix à payer pour un homme qu'elle aimait si fort."

    Leur fille Polly, 13 ans, est terrorisée à l'idée qu'une nouvelle guerre puisse éclater. En 1938, au moment de la Conférence de Munich, tout le monde est dans la même angoisse.

     

     

    Le deuxième fils, Edward, est nettement moins sympathique. Le personnage intéressant du couple est sa femme, Villy. Ancienne danseuse classique, elle a abandonné sa carrière pour se marier et découvert depuis à quel point cette vie de femme au foyer la satisfaisait peu. Rupert est le seul des trois frères qui ne travaille pas dans l'entreprise familiale. Il est peintre et gagne sa vie trop modestement aux yeux de sa jeune épouse Zoë. Elevée pour faire un beau mariage par une mère qui a tout misé sur la beauté de sa fille, Zoë apparaît au départ comme une sotte uniquement occupée d'elle-même. Elle va montrer qu'elle est capable d'évoluer positivement.

     

     

    Dans ce roman l'autrice met l'accent sur les personnages féminins, femmes et filles. Chacune représente un aspect de la condition féminine à cette époque (chez les riches). Il m'a fallu un peu de temps pour entrer dans ma lecture. J'ai pensé au départ que ces histoires de famille allaient m'ennuyer. Il est fait peu d'allusions au contexte historique. Petit à petit cependant on entre sous la couche superficielle des personnages qui acquièrent une vraie profondeur. L'analyse psychologique est fouillée et j'ai maintenant envie de lire la suite de ce roman que j'ai apprécié.

     

    L'avis de Lilly.
    Avec 557 pages, je participe au défi Pavés de l'été repris par La petite liste. On me signale de plus qu'avec 608 pages en Folio ce roman compte aussi pour Les épais de l'été, organisé par ta d loi du cine, squatteur chez Dasola.

     

     Elizabeth Jane Howard, Etés anglais, Quai Voltaire


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  • Herbjørg Wassmo, La chambre silencieuse, Actes sudEn 1957 Tora, l'héroïne de La véranda aveugle, a 15 ans. Après l'incarcération d'Henrik pour incendie volontaire, Tora est libérée un temps du péril. Cette période de répit lui permet d'envisager de quitter l'île et de dire enfin sa haine de son beau-père même si la honte ressentie l'empêche d'avouer les abus à sa mère ou sa tante. Dans ce tome Herbjørg Wassmo développe aussi l'histoire de Soleil, voisine et amie de Tora, âgée de deux ans de plus qu'elle. Fille aînée d'une famille nombreuse, Soleil s'occupe de ses petits frères et soeur depuis son enfance. La mère est une illuminée qui passe ses journées à louer Dieu. Soleil a du arrêter sa scolarité mais travaille et gagne de l'argent par divers moyens avec l'objectif de se payer un cours de commerce puis de quitter l'île. Pour ces deux jeunes femmes le départ apparaît comme une occasion d'émancipation et l'autrice dit bien leurs espérances et la façon dont elles pourraient être brisées. Ingrid, mère de Tora, femme effacée qui subit habituellement sa condition, profite de l'absence de son mari pour soutenir sa fille.

     

     

    J'ai beaucoup aimé cette lecture. Je trouve les personnages féminins très attachants. J'ai eu envie qu'il leur arrive du bien même si ce n'est pas gagné d'avance. Dans ce tome Tora subit encore de grandes violences mais malgré tout elle se relève, elle trace sa voie et a la force de profiter des bons moments pour en faire des réserves de souvenirs positifs pour les temps durs.

    Herbjørg Wassmo réussit à merveille à exprimer les sentiments de cette adolescente, le regard qu'elle porte sur le monde et ses proches. L'analyse psychologiques est fine et approfondie. J'ai aussi été particulièrement touchée par la description d'une tempête qui frappe l'île. Il y a des images saisissantes. J'ai hâte de savoir quel dénouement me réserve le troisième tome.

     

     

    C'est une lecture commune avec Ingannmic et Doudoumatous. Et un nouveau titre pour le défi Auteurs des pays scandinaves.

     

    Herbjørg Wassmo, La chambre silencieuse, Actes sud

     


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  • Deborah Levy, Ce que je ne veux pas savoir, Editions du sous-solAlors qu'elle traverse une mauvaise passe, Deborah Levy se réfugie à Majorque où elle réfléchit à sa condition de femme, mère de famille et écrivaine. Elle raconte son enfance dans l'Afrique du Sud de l'apartheid, son père emprisonné pour avoir soutenu l'ANC. Elle se décrit en petite fille intelligente, curieuse et observatrice, inaudible car incapable de parler à haute voix. Après la libération du père, la famille quitte l'Afrique du Sud pour l'Angleterre. A l'adolescence Deborah souffre de son exil et rêve de devenir écrivaine.

     

    On est dans l'introspection et l'expression des souvenirs. J'ai bien apprécié la lecture de ce petit livre à l'écriture poétique. J'ai trouvé que Deborah Levy restituait bien les sentiments de l'enfance.

     

    A propos du retour du père après son emprisonnement : "Nous avons longuement discuté des plats que nous servirions à notre père pour son premier repas et maman nous a conseillé de ne pas être trop timides et d'être juste nous-mêmes. Nous avons acquiescé gravement et sommes sortis nous entraîner à être nous-mêmes".

     

     

    L'avis de Keisha, celui de Lilly.

     


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  • Christian Bobin, Un bruit de balançoire, L'iconoclasteL'écrivain et poète Christian Bobin est mort le 23 novembre 2022 au Creusot où il était né en 1951. C'était un homme émerveillé par la nature. A priori je ne pensais pas le lire, je ne suis pas trop attirée par la poésie. Et puis une amie me dit à quel point elle apprécie son oeuvre dont elle a l'air de tenir pour acquis que je la connais; à l'occasion d'un week-end consacré aux romans épistolaires, les organisateurs placent un titre de Christian Bobin sur leur liste : allons-y !

     

     

     

    Christian Bobin, Un bruit de balançoire, L'iconoclasteUn bruit de balançoire. Ce petit livre se présente comme une série de courtes lettres adressées à des personnes mais aussi à un animal ("Monsieur le coucou") ou à des objets ("Mon pauvre bol"). L'ensemble dessine un portrait de l'auteur, de ce qui le touche et compte pour lui. Il est (beaucoup) question du moine poète japonais Ryōkan (1758-1831), mais aussi d'autres poètes ou de compositeurs. L'auteur décrit fort bien le plaisir de contempler la nature; les petits instants précieux et leur souvenir, plus cher même que l'instant puisque lui ne meurt pas.

    "La voix de mon père est en moi de plus en plus faible comme une onde radio qui s'éloigne : on est à côté de la fréquence, plus au centre. Cette voix craquait de soleil comme un vieux saphir. Un soir d'été, j'allume une cigarette que je lui tends. Le brasier sur lequel tire mon père, ce petit point de couture du rouge dans la nuit bleue, ni les morts ni les ans n'ont su l'éteindre."

     

     

    Quoi encore ? Les chers disparus, le père, la mère. L'enfance. La lecture, l'écriture. J'ai beaucoup apprécié cet ouvrage. J'ai trouvé qu'il était très bien écrit avec de belles descriptions, des fulgurances qui me touchent. Il me semble que c'est le genre de livre qu'on peut avoir sous le coude pour revenir y piocher des passages à l'occasion.

     

    Je participe aux lectures communes de romans épistolaires co-organisées par Et si on bouquinait un peu et Madame lit.

     

    Christian Bobin, Un bruit de balançoire, L'iconoclaste

     


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  • Bergsveinn Birgisson, La lettre à Helga, ZulmaBjarni Gíslason est un vieil homme qui se pense proche de la mort quand il écrit à Helga qu'il a aimée et aime encore. Dans cette lettre qui constitue le texte de ce court roman, Bjarni raconte sa vie dans un village d'Islande au milieu du 20° siècle. Eleveur de moutons, contrôleur du fourrage, pêcheur, membre de la direction de la coopérative mais aussi de la société de lecture du canton de Hörga, Bjarni a eu une vie bien remplie de multiples activités. Une vie de labeur qui avait un sens profond pour lui, dans le cadre splendide des paysages islandais. Bjarni rappelle la courte passion qu'il a vécue avec Helga, un amour clandestin, tous deux étant mariés de leur côté.

     

     

    La jaquette du livre parle "d'un homme qui s'est lui-même spolié de l'amour de sa vie". Certes, quand l'occasion s'en est présentée Bjarni a fait le choix de ne pas partir avec Helga, choix douloureux mais choix assumé, englobé dans un ensemble plus large de choix de vie comme il s'en explique. J'ai beaucoup apprécié la lucidité et le courage du narrateur. C'est un ouvrage que j'ai trouvé intéressant et plaisant à lire.

     

     

    L'avis de Patrice.

    Je participe aux lectures communes de romans épistolaires, co-organisées par Et si on bouquinait un peu et Madame lit. Et ça marche aussi pour le challenge "Auteurs des pays scandinaves", comme me le signale Ingannmic.

     

    Bergsveinn Birgisson, La lettre à Helga, ZulmaBergsveinn Birgisson, La lettre à Helga, Zulma

     


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  • Martin Amis, Lionel Asbo, l'état de l'Angleterre, FolioL'écrivain britannique Martin Amis est mort de 19 mai 2023. Il était né en 1949. L'enfant terrible des lettres anglaises aimait choquer (il se revendiquait arrogant, misogyne et élitiste) et a exercé son talent de satiriste pour attaquer les travers de la société occidentale capitaliste.

     

     

     

    Martin Amis, Lionel Asbo, l'état de l'Angleterre, FolioLionel Asbo, l'état de l'Angleterre. Originaire d'une banlieue pauvre de Londres, Lionel Asbo est un petit malfrat caractériel et hyper violent qui, à 21 ans, a déjà passé plusieurs années en centres fermés pour mineurs ou en prison. A le voir agir, telle Slimane à propos d'OSS 117 dans Le Caire nid d'espions, parfois "je me demande s'il est complètement con ou très intelligent". Depuis la mort de la mère de celui-ci, il s'occupe néanmoins de son neveu Desmond, 15 ans. Quand Lionel gagne 140 millions de livres à la loterie il devient la coqueluche des tabloïds et fréquente stars de la téléréalité et du show business. L'auteur trace un portait au vitriol de cette société du clinquant, particulièrement bien représentée par "Threnody", la petite amie de Lionel, entièrement occupée de faire parler d'elle plus et mieux que Danube. Desmond apparaît comme l'exact opposé de Lionel : gentil garçon, intelligent, honnête et sensible. Il est conscient des défauts de son oncle mais il aime cet homme qui le lui rend bien mal.

     

     

    Martin Amis décrit des situations parfois très trash et j'ai vu dans les commentaires sur Babélio que des lecteurs en avaient été rebutés. Si les comportements de certains personnages peuvent sembler caricaturaux, l'analyse psychologique, par contre, me paraît très juste. J'en arrive presque à avoir pitié de Lionel, inadapté incapable d'aimer, qui pense que "la prison, c'est pas si mal. En prison, tu sais à quoi t'en tenir". L'auteur est enfin capable de parler de façon émouvante de l'amour émerveillé de jeunes parents pour leur enfant nouveau-né et je me suis particulièrement attachée au devenir de Desmond. C'est donc une lecture que j'ai appréciée.

     

     

    La quatrième de couverture nous promettant "un portrait au vitriol de l'Angleterre d'aujourd'hui", je me suis demandée en quoi cette oeuvre pourrait être comparée au travail de Jonathan Coe. Bilan : avec Jonathan Coe on est chez les classes moyennes intellectuelles, avec Martin Amis chez le sous-prolétariat. Chez Jonathan Coe la critique est directement politique, chez Martin Amis elle est sociale, en tout cas il n'y a aucune allusion à la situation politique du pays. Mais quand Lionel remarque que sa mère, âgée de 45 ans, est physiquement aussi vieillie que des hommes riches de 80 ans, il y a bien là aussi une critique politique, il me semble.

     

    L'avis de La petite liste.

     


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