• Fun home est l'abréviation donnée par la famille Bechdel au funeral home (funerarium), l'entreprise de pompes funèbres familiale gérée par Bruce, le père d'Alison Bechdel. Bruce est aussi professeur de littérature au lycée de leur petite ville de Pennsylvanie et passionné par la décoration et la restauration de vieux objets. Il occupe tout son temps libre à faire une oeuvre d'art de la maison ancienne habitée par la famille. Dans cette bande dessinée autobiographique, Alison Bechdel raconte sa relation à ce père tyrannique et colérique et la vie de la famille dans les années 1960 (1960 : naissance d'Alison) et 1970 (1980 : mort de Bruce). La mère, également professeure au lycée, prépare une thèse et fait du théâtre en amatrice. Il y a aussi deux frères cadets. Le cadre familial est celui d'une famille d'intellectuels.

     

     

     

     

    Alison Bechdel qui a toujours refusé de s'habiller "en fille" découvre son homosexualité à l'adolescence. C'est à l'occasion de son coming out qu'elle apprend celle de son père. Il meurt peu après. Dans cet ouvrage elle analyse ses souvenirs d'enfance pour essayer de comprendre qui il était. La réflexion est approfondie dans laquelle l'autrice se met à nu et le résultat est un hommage émouvant à ce père imparfait. C'est un livre intelligent avec de nombreuses références littéraires et, en arrière fond, un tableau de la libération des moeurs aux Etats-Unis dans les années 1970. J'ai beaucoup aimé cette lecture ainsi que le dessin en noir et blanc. Les traits sont fins et précis avec de nombreux détails. La lecture de sa fiche Wikipédia m'apprend que c'est Alison Bechdel la créatrice du test de Bechdel (je le connaissais mais pas son nom) qui permet d'évaluer la présence féminine dans un film grâce à trois questions :

     

    1. Y a-t-il au moins deux personnages féminins identifiés par leur nom ?

    2. Ces femmes parlent-elles ensemble ?

    3. Leur conversation porte-t-elle sur un sujet autre qu'un personnage masculin ?

    Depuis que je l'ai découvert il y a quelques années je l'utilise régulièrement avec profit. Le résultat est édifiant.

     

     

     


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  • Tal Madesta, La fin des monstres, La déferlante Récit d'une trajectoire trans. Dans ce petit livre Tal Madesta, jeune homme trans, raconte comment il vit sa transidentité et sa transition, entamée en 2020. L'auteur reprend pour les déconstruire les attaques transphobes les plus courantes et, face aux propos ignorants ou haineux, déshumanisants en tout cas, il apporte une nuance bienvenue. Les personnes trans ne sont pas les caricatures que certains veulent croire, "tout comme il y a mille manières d'être au monde pour les femmes et les hommes cis, il en va de même pour nous". Il ne cache pas les difficultés, ses hésitations et ses doutes mais dit aussi la liberté qu'offre la transidentité d'inventer de nouvelles façon de vivre son identité de genre, d'aimer, de faire famille, de construire des solidarités. Je trouve ces questionnements très intéressants car il me semble qu'ils peuvent s'appliquer à tout un chacun. Comme le dit très bien Marion Dupont dans cet article du Monde, il y a là "un programme dont chacun et chacune pourrait s'inspirer pour s'émanciper de masculinités et de féminités trop souvent étriquées".

     

     

    C'est un livre que j'ai trouvé facile d'accès, vite lu mais qui m'a donné à penser. Je le recommande à tous ceux qui s'interrogent sur la transidentité ou la question du genre.

     


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  • Philippe Sollers, Trésor d'amour, GallimardL'écrivain Philippe Sollers est mort le 5 mai 2023. Il était né Joyaux en 1936. En 1957 il publie une nouvelle, Le défi, qui reçoit le prix Fénéon. Comme il n'est pas encore majeur il prend alors le pseudonyme de Sollers (= tout entier art) pour contourner la censure parentale. C'est un écrivain qui a joué un rôle majeur dans la vie intellectuelle française de la deuxième moitié du 20° siècle, surtout dans le monde de l'édition et de la critique.

     

     

    Philippe Sollers, Trésor d'amour, GallimardTrésor d'amour. En 2010 le narrateur, Philippe Sollers, séjourne à Venise avec la femme qu'il aime, Minna Viscontini, une Italienne, professeure d'université, spécialiste de Stendhal. Ce n'est pas un récit autobiographique, il me semble, mais un roman dans lequel l'auteur se met en jeu. C'est l'occasion pour lui d'écrire sur Venise, sur l'amour, sur Stendhal et sur le monde contemporain.

     

     

    J'ai trouvé plaisant le cadre vénitien et la description de la vie tranquille, comme détachée du monde, qu'y mène le narrateur. Cela m'a donné envie de flâner à Venise même si je crois que c'est une ville où je ne retournerai pas maintenant que j'ai découvert la no list de Fodor's travel.
    J'ai trouvé intéressants tous les éléments biographiques sur Stendhal. Il sont présentés de façon décomposée, sans suite chronologique. Philippe Sollers est cultivé et introduit aussi d'autres personnages qui ont séjourné à Venise ou aimé une Minna (Freud, par exemple). Dans cet ouvrage Philippe Sollers s'identifie à Stendhal dont il nous dit qu'il a eu peu de succès de son vivant. Il écrivait pour le futur ou pour les happy few (je découvre qu'il utilisait régulièrement des mots anglais). Philippe Sollers se considère comme un de ces happy few, un des rares à lire encore Stendhal aujourd'hui, un des rares auteurs contemporains à écrire des livres qui ne seront pas passés aux oubliettes dans cinquante ans. Il m'est surtout apparu comme imbu de lui-même.

     

     

    J'ai été agacée par les considérations sur le monde contemporain. Il m'a semblé que l'auteur-narrateur avait tendance à prendre la partie pour le tout c'est à dire à considérer le mode de vie du petit monde qui l'entourait comme représentatif de celui de tous les Français. L'image qu'il se fait des femmes (à part Minna) est pas mal étriquée. Au début cet agacement était très prégnant et j'ai pensé que cette lecture allait me faire souffrir. En avançant les aspects positifs ont pris le dessus et j'ai apprécié la belle écriture même si je suis loin d'être devenue une fan de Philippe Sollers.

     

     

    Mon exemplaire vient de la bibliothèque, des passages ont été soulignés par un précédent lecteur qui est même allé jusqu'à corriger l'auteur ! En toute modestie.

     

    Philippe Sollers, Trésor d'amour, Gallimard

     


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  • Herbjørg Wassmo, La véranda aveugle, Actes sudDans les années 1950 Tora grandit dans une petite île située au nord de la Norvège. La prospérité n'est pas encore passée par là, la vie est rude, la famille pauvre qui vit bien souvent des seuls revenus de la mère, Ingrid, employée à la conserverie de poisson locale. Le beau-père, Henrik, est un invalide de guerre et un alcoolique, incapable de garder longtemps un travail. Surtout il est le péril, celui qui viole Tora quand Ingrid travaille de nuit. Herbjørg Wassmo dit très bien et sans voyeurisme l'horreur et les sentiments de l'enfant : la honte, le dégoût, la façon dont elle dissocie corps et esprit lors des agressions.

    "- Tora... appela-t-il d'une voix incertaine et hésitante.

    Elle ne répondit pas. Il n'y avait plus personne au monde à s'appeler Tora. Elle s'était envolée dans le néant. Il n'y avait plus qu'un grand silence. (...)

    Lorsqu'il la quitta, les vêtements en désordre, il n'avait toujours pas de visage. Seul un ricanement figé vint traverser l'air entre lui et le ballot qui était sur le lit."

    Comme son personnage, l'autrice est une victime de l'inceste. Autre point commun : Tora, comme l'autrice, est une "fille de Boche", née des amours de sa mère avec un soldat allemand pendant l'occupation. Ingrid a été tondue à la libération et certains camarades de classe se moquent de Tora à cause de son origine.

     

     

    Malgré toute cette noirceur Tora peut aussi s'appuyer sur quelques femmes positives. Il y a la tante Rakel, forte et dynamique; Gunn, la gentille institutrice, et Randi, la mère de Frits, un jeune sourd-muet et un des seuls amis de Tora. Tora se protège aussi en se réfugiant dans le rêve. Elle s'invente des histoire où un père revient d'un pays lointain pour chercher sa fille, où elle voyage jusqu'à Berlin pour faire connaissance avec sa grand-mère. La lecture de Bonjour tristesse, offert par Randi, est une révélation : dès lors qu'il s'agit de décrire la réalité il n'y a pas nécessité d'avoir des personnages gentils dans un livre. "A partir du moment où l'on écrivait des livres sur des gens qui vivaient réellement, il fallait précisément que ce fût comme ça : laid !" J'ai trouvé très bien vue cette découverte de la littérature et de son pouvoir.

     

     

    J'ai trouvé ce roman excellent, excellemment écrit. Je découvre qu'il s'agit du premier tome d'une trilogie. Je commande aussitôt les deux autres.

     

    L'avis d'Ingannmic, celui de Doudoumatous.

     

     


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  • Ce roman policier se déroule en 1899 en Erythrée, alors colonie italienne. Un entrepôt du dépôt militaire d'Archico est cambriolé par une bande de tzeraki qui emportent un coffre-fort. Peu de temps après on retrouve le cadavre d'un homme pendu dans une chambre fermée de l'intérieur du grand hôtel Albergo Italia. Malgré ce que certains ont voulu laisser croire il semble que cela soit un meurtre. C'est le capitaine Colaprico, des carabiniers, qui est chargé des enquêtes (qui n'en font qu'une). Il est assisté d'un zaptiè, un carabinier indigène, Ogbà, un homme observateur et intelligent, sorte de Sherlock Holmes abyssin. Ogbà a bien compris que la plupart des Blancs ne supportent pas qu'un Noir soit plus fin qu'eux. Il use donc de subterfuges pour avancer ses propres déductions en leur laissant croire qu'elles sont les leurs. Colaprico cependant apprécie son adjoint à sa juste valeur et le duo forme une équipe plutôt efficace. Il le faut pour résoudre une affaire où il question de malversation et de corruption.

     

     

    Le cadre historique, qui m'a attirée, est celui d'une colonie avec ses préjugés racistes et ses relations sociales basées sur la domination d'un peuple par un autre. La présence militaire semble importante. Ces carabiniers viennent de toute l'Italie ce qui se reconnaît à leurs accents et dialectes. L'unité italienne est toute récente, les particularismes régionaux importants. Il y a un certain nombre de mots en dialectes italiens ou en langue tigrinia.

    C'est une lecture que j'ai appréciée.

     

    L'avis de Keisha.

     


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  • Ken Follett, Le crépuscule et l'aube, Robert Laffont Combe, sud de l'Angleterre, 997. Alors que Edgar, 18 ans, fils d'un charpentier de marine, s'apprête à fuir nuitamment le domicile familial avec Sunni, son amoureuse, une femme mal mariée, les Vikings attaquent et mettent à sac le village. Sunni et le père d'Edgar font partie des victimes, la vie du jeune homme va changer totalement. Avec sa mère et ses frères, Erman et Eadbald, ils quittent Combe pour Dreng's Ferry, à plusieurs jours de marche, où ils ont obtenu la gestion d'une ferme. Il faut travailler durement la terre pour survivre, Edgar a un talent de bâtisseur et du goût pour la construction, pas pour l'agriculture et les relations avec ses frères sont difficiles.

    Fille du comte Hubert de Cherbourg, Ragna est tombée amoureuse de Wilwulf, ealdorman (seigneur) de Shiring, et a obtenu de l'épouser. Arrivée en Angleterre elle constate que sa belle-famille est accrochée à son pouvoir absolu sur Shiring et n'envisage pas de lui en céder la moindre parcelle. Elle qui comptait co-gouverner avec son époux comprend qu'il va lui falloir trouver des alliés et jouer avec finesse pour parvenir à son but. Cette lutte pour le pouvoir la mènera à des violences qu'elle n'avait pas imaginées.

     

     

    L'action de ce gros roman de 850 pages se déroule avant Les piliers de la terre, entre 997 et 1007. En avant-propos la période nous est présentée comme le début de la fin de "l'âge des ténèbres". Je me suis demandée si la peinture très sombre de cette période n'était pas un peu caricaturale. Il me semble que les historiens sont un peu revenus sur cette vision du haut Moyen-âge. Toujours est-il que le cadre du roman est celui d'un monde essentiellement soumis à la loi du plus fort. L'évêque Wynstan, frère de Wilwulf, est prêt à tout pour conquérir plus de pouvoir. Et le roi Ethelred, qui a besoin du soutien militaire de ses seigneurs pour repousser les raids vikings ou les incursions des Gallois, n'est guère en mesure d'imposer sa loi. L'Angleterre de l'an mille est un pays qui pratique encore la polygamie et l'esclavage. Les esclaves sont des prisonniers de guerre gallois ou irlandais, soumis à toutes les violences, à l'image de Blod, battue et prostituée par son maître.

    Parmis les partisans d'une société plus policée se trouvent bien sûr Edgar et Ragna mais aussi le prieur Aldred, un moine qui veut faire respecter les principes d'amour et de charité des Evangiles.

     

     

    Malgré son grand nombre de page j'ai lu ce roman facilement, en quelques jours, grâce à ses nombreux rebondissements et péripéties. Qui a déjà lu la suite de la saga Kingsbridge (trois tomes écrits avant celui-ci), retrouvera toujours un peu le même schéma : un méchant évêque, avide de pouvoir et de richesses, opposé à des héros idéalistes aux amours contrariés. A la fin les gentils gagnent. C'est très romanesques et donc une lecture distrayante.

     


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  • Vassilis Alexakis, Ap. J.-C., Stock Le narrateur est un jeune étudiant en histoire, originaire de l'île de Tinos, logé à Athènes chez une vieille femme, Nausicaa Nicolaïdis, qui lui demande de la renseigner sur le mont Athos et ses monastères. Il décide alors de rédiger un mémoire sur le sujet et explore la question dans ses divers aspects : religieux, politique, économique, historique... Avec lui le lecteur découvre la grande influence de l'Eglise orthodoxe en Grèce -qui est loin d'être un Etat laïc- et la zone de droit spécifique qu'est le mont Athos, au mépris du droit européen. Ces passe-droit entraînent des abus, celui qui m'a le plus choquée étant la destruction de vestiges antiques trouvés sur place par des moines qui refusent d'accepter que la sainte montagne n'a pas toujours été chrétienne.

    "En arrivant sur le pont j'ai pris conscience que j'avais franchi le seuil d'un autre monde. Je me suis trouvé devant des toilettes qui avaient deux entrées distinctes. HOMMES, ai-je lu sur la porte de gauche, HOMMES sur celle de droite aussi."

     

     

    Ces intéressants aspects documentaires sont servis par la forme du roman, très plaisant à lire. J'ai trouvé le jeune narrateur sympathique ainsi que sa relation avec sa logeuse. J'ai apprécié le récit des étapes de sa recherche, ses rencontres avec divers spécialistes du sujet. Il nous fait part de ses opinions, de ses impressions, de ses rêves même. Le tout est fort bien écrit avec un peu d'ironie et il y a des descriptions qui évoquent des sensations. Ca m'a rappelé un agréable séjour à Athènes au printemps et ça m'a donné envie de retourner en Grèce.

     


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  • Gilles Alfonsi, Sortis de l'ombre, Arcane 17 A la recherche de l'histoire de Louis Dufour (1904-1944), pendu par les nazis à Dunes (Tarn-et-Garonne), Gilles Alfonsi découvre plusieurs massacres commis par une unité de la division SS "Das Reich" le 23 juin 1944 aux confins du Lot-et-Garonne et du Tarn-et-Garonne. A Saint-Sixte les soldats tombent sur deux roulottes de nomades installées là depuis la veille. Leurs occupants sont rassemblés dans un pré et mitraillés. Il y a 14 tués dont 8 enfants. La plus jeune a 19 jours. C'est le seul massacre collectif de Tsiganes en France pendant la seconde guerre mondiale. L'auteur a à coeur de leur restituer une identité et une individualité. Il formule l'hypothèse que les soldats, passés auparavant par le front de l'est, ont reproduit ici un épisode de la shoah par balles.
    Continuant sa route l'unité abat deux hommes à Caudecoste avant d'arriver à Dunes où 14 hommes sont tués dont 11 pendus sur la place du village. Contrairement à ce qu'a retenu la mémoire locale, les victimes de Dunes n'ont pas été choisies au hasard. Les nazis ont été guidés par un cahier de dénonciation rédigé par une habitante de Dunes et remis à la Kommandantur de Valence-d'Agen le 19 juin. Ce cahier est une liste d'habitants du coin désignés comme communistes ou membres du maquis.

    L'auteur présente également les formes que prennent la résistance et la collaboration dans le secteur qu'il étudie.

     

     

    Le travail de recherche de Gilles Alfonsi lui a permis de corriger la mémoire de ces événements, laquelle mémoire avait été reprise telle quelle, sans vérifications, par des historiens locaux et nationaux. Ainsi il était communément admis que la division "Das Reich" avait, dans son ensemble, quitté les département du sud de la France début juin 1944. Ce n'est pas le cas, comme on le constate ici des unités sont restées dans le sud-ouest. Le 10 juin la "Das Reich" massacre les habitants d'Oradour-sur-Glane, plus au nord, si bien qu'on trouve un historien qui place Dunes (23 juin) avant Oradour (10 juin) alors même qu'il en connaît les dates. J'ai été stupéfaite de constater qu'une erreur pouvait ainsi se répéter de livre en livre. Il fallait peut-être le regard d'un non historien (Gilles Alfonsi est sociologue de formation) pour la faire émerger. C'est cet aspect du travail de l'auteur, la construction d'un savoir historique sous mes yeux, à partir d'archives ouvertes à tous, qui m'a le plus intéressée.

     

     

    A la Libération les poursuites contre les auteurs et complices de ces crimes sont très inégales. Si le châtiment des autrices du cahier de dénonciation est terrible, d'autres collaborateurs -notamment membres du clergé- s'en tirent sans trop de dommages. Quant aux soldats allemands qui n'ont pas été tués dans les combats de la fin de la guerre, ils ont écopé de peines vite amnistiées. Je n'ai pu m'empêcher de me demander si le déchaînement à l'encontre des deux collaboratrices, instigatrice et autrice du cahier, n'était pas lié à leur genre. C'est une question que l'auteur n'aborde pas.

    C'est une lecture que j'ai trouvée intéressante. Le livre est un grand format (A4) ce qui a permis à l'auteur de reproduire des documents en taille réelle (exemple : l'intégrale du cahier de dénonciation).

     

     

    L'avis d'Henri.

     


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  • Anne Perry, Meurtre en écho, 10-18 L'autrice britannique de policiers historiques Anne Perry est morte le 10 avril 2023. Elle était née Juliet Marion Hulme en 1938. Elle a dix ans lorsque ses parents s'installent en Nouvelle Zélande. A l'adolescence elle noue une amitié exclusive avec Pauline Parker. En 1954 les parents Hulme se séparent et prévoient d'envoyer Juliet chez une tante en Afrique du Sud. La mère de Pauline refusant que cette dernière suive son amie, les deux jeunes filles planifient et exécutent le meurtre de cette femme. Anne Perry a fait cinq ans de prison pour ce crime. Plus tard elle a traversé une période d'amnésie de ce qu'elle avait fait. Dans ses romans elle a beaucoup interrogé la question de la responsabilité morale et elle a fait de son personnage William Monk un amnésique.

     

     

     

    J'ai été une grande fan de l'oeuvre d'Anne Perry dont j'ai longtemps suivi avec assiduité les deux séries principales; dès leur parution en France et bien avant l'existence de ce blog. Les enquêtes de Charlotte et Thomas Pitt se déroulent à la fin du 19° siècle et ont été traduite en France à partir de 1997. Je les ai lues jusqu'à l'épisode 30 (la série en compte 32). Les aventures de William Monk se passent un peu avant (juste après la guerre de Crimée, 1853-1856), elles sont traduites à partir de 1998 et je les ai lues jusqu'au tome 20 (il y en a 24). A la longue j'ai commencé à trouver que l'autrice tirait à la ligne et je me suis lassée.

     

     

    Anne Perry, Meurtre en écho, 10-18 Meurtre en écho. C'est le 23° épisode des enquêtes de William Monk. A Londres, en 1870, un membre de la petite communauté hongroise est assassiné d'une manière sauvage et avec une mise en scène qui peut laisser penser à un rituel. Comme le lieu du crime se situe sur les docks c'est le commandant Monk de la brigade fluviale qui est chargé de l'enquête. Bientôt d'autres meurtres ont lieu avec le même modus operandi et frappant toujours des Hongrois. L'assassin fait-il partie des immigrés ou faut-il voir dans cette série de crimes une conséquence de la xénophobie ambiante ?

    L'enquête ne m'a guère convaincue. Pendant la majeure partie du roman la police erre sans trouver le moindre indice puis, au dernier moment, une découverte inattendue permet de dénouer l'affaire. Le mobile m'a paru assez peu crédible.

     

     

    J'ai mieux apprécié les histoires personnelles des protagonistes. Esther, la femme de Monk, ancienne infirmière durant la guerre de Crimée, retrouve des gens dont elle fut proche et qu'elle avait perdus de vue depuis de nombreuses années. Scuff, enfant des rues recueilli par Esther et William, est maintenant un jeune homme, apprenti en médecine. Leurs histoires permettent de redonner du rythme et de l'intérêt au roman. Sinon les questionnement moraux des personnages, que j'avais appréciés autrefois chez Anne Perry, m'apparaissent maintenant comme répétitifs et parfois même artificiels. Et peut-être le sont-ils en effet devenus.

     


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  • Jonathan Coe, Le coeur de l'Angleterre, GallimardL'action de ce roman court d'avril 2010 à septembre 2018. Il s'agit d'essayer de comprendre ce qui a mené l'Angleterre au Brexit. Pour cela Jonathan Coe reprend des personnages déjà rencontrés dans Bienvenue au club et Le cercle fermé que j'avais lus il y a près de dix ans et dont je ne me souvenais plus, je dois le dire. Ca m'a aidé un peu pour situer les personnages de pouvoir relire mes compte-rendus écrits à l'époque. Le coeur de l'Angleterre peut certes se lire indépendamment des deux autres mais au départ il y a beaucoup d'allusions à des relations ou situations passées qui peuvent donner l'impression au lecteur de flotter un peu. Les choses se mettent en place petit à petit.

     

     

    L'histoire tourne principalement autour de Benjamin Trotter et de sa nièce Sophie. Benjamin a la cinquantaine et, en 2010, il vient d'acheter un vieux moulin au bord de la Severn après avoir longtemps vécu à Londres. Là il se libère de son obsession pour Cicely à laquelle il a rêvé pendant des années, avec qui il n'a pas été heureux, et découvre le plaisir de profiter de l'instant. Il envisage enfin de mener à bout un projet littéraire sur lequel il travaille depuis l'adolescence.
    Sophie est une universitaire, historienne de l'art. Elle épouse Ian, professeur de conduite, et voit son couple menacé par le Brexit.

     

     

    Autour de Benjamin et Sophie gravitent de nombreux personnages qui permettent à l'auteur d'explorer les diverses positions face au Brexit. Globalement elles se partagent en deux : les partisans du Leave sont présentés comme des nostalgiques d'une grandeur passée de l'Angleterre. Ils divisent la société et le monde en "nous" et "eux", forcément antagonistes. Ce sont des gens inquiets du changement. En face les pro-Remain apparaissent comme ouverts à la diversité. Cette analyse me paraît pertinente pour expliquer aussi la montée du nationalisme aujourd'hui. On a vu qui a gagné en Grande-Bretagne. Les responsabilités de personnalités politiques inconséquentes sont clairement pointées.

     

     

    Moment rare d'unité avant la rupture, j'ai particulièrement apprécié la longue description de la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques de Londres en 2012 qui met tous les personnages d'accord devant leur télé. Elle m'a semblé tellement époustouflante que je suis allée la regarder sur Youtube. C'est une magnifique illustration du roman national britannique. J'ai été particulièrement frappée par la représentation de l'industrialisation du pays avec des dizaines de figurants et des cheminées d'usines qui s'élèvent à partir du sol du stade. Quelle débauche de moyens techniques ! Je me suis demandée s'il serait encore possible de produire un tel spectacle autosatisfait qui m'a semblé ignorer totalement les échéances écologiques actuelles. Vu d'aujourd'hui ça m'apparaît anachronique. Mais je pense que les Jeux Olympiques sont eux-mêmes une manifestation anachronique. Je suis curieuse de voir ce que la France nous proposera en 2024 en ouverture.

     

     

    Au total c'est donc un livre qui m'a donné à réfléchir et qui m'a permis de mieux comprendre le Brexit. C'est une lecture que j'ai appréciée et que j'ai trouvée plaisante.

     

     

    Les avis de Keisha et Ingannmic.

     


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